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Histoire du château de Coucy

Remparts du château de Coucy

Dans un paysage d’exception, découvrez le château de Coucy et sa tumultueuse histoire, digne des plus grandes fables où le seigneur cherche à être plus puissant que le roi.

Aux origines, une forteresse médiévale

Le château de Coucy est l’héritage de la dynastie des Enguerrands, appelés communément « Sires de Coucy », dont les deux personnages les plus emblématiques sont Enguerrand III et Enguerrand VII. Ils règnent sur la forteresse du XIe au XIVe siècle. 

Le château est édifié au début du XIIIe siècle par le seigneur Enguerrand III de Coucy.

Sa seigneurie dispose d’un atout naturel majeur : sa position stratégique en hauteur sur un éperon rocheux qui domine de plus de 60 mètres la vallée de l’Ailette. Le site est donc difficile d’accès et dispose d’une vue imprenable sur la région et l’arrivée éventuelle de troupes ennemies.

Derrière les murs de ce château fort se niche alors une chapelle seigneuriale, célèbre pour la beauté de ses vitraux. L’autre chef-d’œuvre du château de Coucy est la grande salle des Preux, qui sous Enguerrand VII se pare d’un raffinement et d’un luxe flamboyant. 

Château de Coucy vu du ciel
Château de Coucy vu du ciel

© Christian Gluckman / Centre des monuments nationaux

Le sire de Coucy

Enguerrand III renforce la défense de Coucy par la construction d’une ceinture de remparts tout autour de la ville. Il ponctue celle-ci de 33 tours et de 3 portes fortifiées. Il reconstruit également entièrement le château actuel, qu’il adosse à une construction plus ancienne.

Sous sa baronnie, le site se structure en trois parties (ville / basse-cour / haute-cour) pour créer ainsi trois défenses successives afin d’arrêter ou du moins retarder l’ennemi. C’est ce qu’on appelle la défense en profondeur.

Comme tout grand seigneur de l’époque, Enguerrand III cherche à mettre en valeur sa lignée, ce qui lui vaudra quelques complications avec la royauté, surtout avec Louis IX et sa mère Blanche de Castille.

Enguerrand III est un personnage important de son époque, cousin du roi Philippe Auguste, il participe à ses côtés à la bataille de Bouvines en 1214 et à la croisade contre les Cathares.

Il faut dire que la construction et l’embellissement de cette forteresse gigantesque est un véritable pied de nez au pouvoir royal. Par orgueil, Enguerrand a fait de ce château une forteresse plus grande, plus majestueuse, plus imposante que celle du roi de France.

La salle des Preux au château de Coucy
La salle des Preux au château de Coucy

© Christian Gluckman / Centre des monuments nationaux

Un donjon hors normes

La particularité du château de Coucy est incontestablement liée à ses dimensions considérables, avec notamment son donjon de 54 mètres de haut, 31 mètres de diamètre et des murs allant jusqu’à 7,50 mètres d’épaisseur. Il est plus haut que le donjon du château du Louvre à Paris, celui du roi de France.

Sans fondations, le donjon est constitué de trois étages et d’une terrasse défensive. Comme la tour de la Terrasse, le donjon ne présente presque pas d’ouvertures. 

Autonome, à l’intérieur de l’enceinte, il possède son entrée protégée par un pont-levis. 

Le donjon doit être capable de tenir un siège. La salle basse est donc réservée au stockage de nourriture et d’armes. Un puits creusé dans la roche permet d’y disposer de l’eau de la vallée. Une ouverture circulaire, percée dans la couverture, permet de remonter les provisions et les munitions jusqu’à la terrasse. 

Les deux étages supérieurs sont réservés à l’accueil de la population. Le troisième étage, quant à lui, mène à une tribune aménagée dans l’épaisseur du mur, créant ainsi un espace supplémentaire en surplomb de la salle.

Saviez-vous qu’Enguerrand VII est mort en terre sainte lors des croisades ? Sa fille aînée, Marie, hérite du château mais s’en sépare très vite contre un très beau chèque (très lourd sac d’or) de Louis d’Orléans, duc du Valois. Il devient alors le nouveau propriétaire du château de Coucy.

Donjon de Coucy avant sa destruction
Donjon de Coucy avant sa destruction

© Médiathèque de l'architecture et du patrimoine

Les cuisines de Louis d’Orléans

Lorsque Louis d’Orléans, frère du roi Charles VI, devient propriétaire de Coucy en 1400, les cuisines du château ne peuvent satisfaire les besoins du prince. La place disponible dans la haute cour étant restreinte, le duc d’Orléans se résout à édifier le nouvel ensemble dans l’espace de la basse-cour, à proximité du pont-levis du château.

La seule mention connue de ces cuisines – et seule preuve de leur existence jusqu’au sondage de 2018 – est un toisé (sorte de plan et devis) remontant à décembre 1403. 

Ce sondage suivi d’une fouille archéologique programmée a mis à jour une partie des vestiges des cuisines de Louis d’Orléans, travail indispensable pour la compréhension de l’évolution des cuisines aristocratiques et princières à la fin du Moyen Âge.

Savez-vous que depuis Louis XII, petit-fils de Louis d’Orléans, le château appartient au domaine royal ? Pourtant en 1652, le gouverneur de Coucy refuse toujours de restituer la forteresse à Louis XIV. En conséquence, Mazarin fait démanteler le château fort.

Cuisines de Louis d'Orléans
Vestiges des cuisines de Louis d'Orléans

© S.Leleu / Centre des monuments nationaux

La restauration par Viollet-le-Duc

À partir du Second Empire, plusieurs architectes, dont Eugène Viollet-le-Duc, se succèdent pour préserver les ruines.

Le travail de Viollet-Le-Duc, en parallèle du chantier de restauration de Pierrefonds, est essentiellement de « fretter »  la tour maîtresse par deux impressionnants cercles en fer au niveau des consoles, couvrir son vide intérieur par une charpente en métal et en bois et remailler  les fissures.

Imaginez-vous que grâce au chemin de fer, le château est considéré comme l’un des monuments les plus visités de France jusqu’en 1914 !

Tourisme belle époque au château de Coucy
Tourisme belle époque au château de Coucy

© Médiathèque de l'architecture et du patrimoine

Un destin tragique

En décembre 1916, l’armée allemande adopte une nouvelle stratégie, consolidant ses lignes de défenses autour de la ligne Hindenburg qui s'étend de Lens à Reims, sur plus de 160 km. À partir de février 1917, le retrait des troupes s’opère dans l’Aisne. 

C’est la politique de la terre brûlée : lignes téléphoniques et machines électriques sont démontées, transportées derrière les nouvelles lignes. Sur le canal de l’Oise et de l’Aisne, ponts, passerelles, écluses sont détruits. La région de Coucy est évacuée.

Fin février, après le départ forcé des habitants, la ville de Coucy est pillée. Sur ordre du général Ludendorff, le château est dynamité le 20 mars : 28 tonnes de cheddite sont placées dans le donjon et 10 tonnes dans chacune des quatre tours d’angle. 

En 1919, Paul Clemen, chargé par le gouvernement allemand de la protection des biens artistiques des régions occupées, défend cette nécessaire destruction du château de Coucy, poste d’observation beaucoup trop favorable à l’ennemi. 

Il rappelle que les plus hautes autorités – le Kaiser en personne – se sont déplacées pour vérifier la décision à prendre, qui n’a fait que parachever ce que Mazarin avait commencé sur l’ordre de Louis XIV en 1652.

Le château de Coucy est classé monument historique en 1962. Il est aujourd’hui géré par le Centre des monuments nationaux et accueille près de 17 000 visiteurs à l’année.

Vue d'ensemble du château de Coucy avant 1917
Vue d'ensemble du château de Coucy avant 1917

© Reproduction Philippe Berthé / Centre des monuments nationaux